Avec 1,8 million d’hectares, l’Aquitaine est le 1er massif forestier cultivé d’Europe. La filière bois-papier représente pour cette seule région 34 000 emplois et 2,5 milliards de chiffre d’affaires. Autant dire que ce n’est pas un hasard si l’on trouve, sur le site de Facture-Biganos, à proximité du Bassin d’Arcachon, l’une des plus grosses unités de production du Groupe multinational Smurfit Kappa, leader européen de l’emballage papier carton.
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Un peu d’histoire et quelques chiffres

Implanté à Facture depuis plus de 80 ans, le site girondin de la Cellulose du pin, aujourd’hui spécialisé dans le papier kraft destiné aux emballages, faisait autrefois partie de la branche Papier du Groupe Saint-Gobain. Il est racheté en 1994 par l’Irlandais Smurfit. En 2006, le groupe néerlandais Kappa fusionne avec Smurfit pour devenir Smurfit-Kappa et numéro 1 européen du secteur. Le groupe emploie 38 000 salariés à travers le monde et s’appuie sur 332 sites de production répartis dans 21 pays, essentiellement en Europe et en Amérique du Sud. En 2010, son chiffre d’affaires s’élevait à 6,7 milliards d’euros. Le seul site de Smurfit Kappa Cellulose du Pin [www.smurfitkappa-cellulosedupin.com ] a produit 473 400 tonnes de papier dont plus de 50% destiné à l’exportation. Smurfit Kappa Cellulose du Pin fonctionne 24h/24h et emploie 444 personnes auxquelles il faut ajouter un grand nombre de sous-traitants.

Des papiers qui emballent notre quotidien

Smurfit Kappa Cellulose du Pin produit du Krafliner brun et du white top kraft liner destiné à la fabrication de carton ondulé. Les exigences de qualité sont très élevées, et chaque bobine produite sur la machine à papier 5 et à la 6 est contrôlée. Tous les produits fabriqués par Smurfit Kappa Cellulose du Pin sont recyclables et ne génèrent pas de problème de traitement de déchets après usage. Les marchés approvisionnés par l’usine de facture sont français à 44%, européen à 46%. La grande exportation (Afrique Asie …) représente 10%.

Du tronc d’arbre à la feuille kraft haute performance…

Ce qui frappe immédiatement le visiteur qui entre sur le site de Facture, c’est le gigantisme des installations : des bâtiments et des cheminées de plusieurs dizaines de mètres de haut, de véritables collines de copeaux de bois, et un gigantesque circuit automatisés aux allures de montagnes russes permettant d’acheminer la matière première entre les différents points du site. Une véritable noria de 250 camions contribue quotidiennement à son alimentation en matière première tandis qu’une cinquantaine d’autres poids-lourds emportent les produits finis (bobines de papier kraft).

La filiale Smurfit Kappa Comptoirs du Pin gère l’activité forestière et l’approvisionnent en bois du site de Facture. 1 150 000 tonnes de bois de pin maritime ont ainsi été utilisées en 2011 provenant des sous-produits de l’industrie du bois (le bois d’éclaircies, les cimes d’arbres destinés au bois d’œuvre ou encore les déchets des scieries),

Pour fabriquer le papier, l’unité de production de Facture produit majoritairement une pâte à papier, « la pâte écrue de fibres vierges », à l’instar d’autres unités du groupe situées en Europe.

Les troncs arrivant par camions sont déchargés sur un tapis roulant où ils vont être débarrassés mécaniquement de leurs écorces. Ces dernières sont valorisées sous forme de combustible pour la plus importante chaudière biomasse française exploitée par Dalkia et installée à proximité des installations de SK Cellulose du Pin. Puis les troncs sont réduits en plaquettes par une coupeuse dont les couteaux ont une durée de vie qui n’excède pas quelques heures. Ces plaquettes s’entassent provisoirement sous la forme de véritables collines de bois, elles sont acheminées vers le Lessiveur par des tapis transporteurs. Une étape de cuisson et de délignification a ensuite lieu dans un lessiveur, une tour de 5,5 m de diamètre qui culmine à 76 m de haut. Au cours de ce cycle de 8 heures, les plaquettes sont chauffées à 165°C, sous pression, avec de la « liqueur blanche » (cuisson à la soude + sulfure de sodium = procédé kraft) ceci permet l’obtention de la pâte Kraft.

Valorisation chimique et production électrique

Tandis que la pâte sert à la réalisation du papier, les « jus de cuissons » sont soutirés sous une forme liquide baptisée « liqueur noire ». Celle-ci est directement valorisée comme combustible dans la chaudière de régénération SKCP qui produit de la vapeur sous pression (435 °C, 80 bars) . C’est cette étape dont l’odeur peu agréable est bien connue des Girondins qui passent á proximité du site pour se rendre sur le Bassin d’Arcachon. Notons à ce sujet que des progrès tout à fait perceptibles ont été faits dans ce domaine puisque les nuisances olfactives liés aux mercaptants ont été diminuées de 65% grâce aux efforts de l’entreprise. Une dissolution dans l’eau des minéraux salins (portés à une température de fusion de 900°C) permet d’obtenir une liqueur verte, qui est elle-même traitée par caustification pour donner la liqueur blanche utilisée au début du cycle et régénérée à 97% de cette manière. Les carbonates de calcium résiduels servent à fabriquer de la chaux. La valorisation des produits dérivés du procédé kraft peut aller encore plus loin. . D’autres composés chimiquement intéressants trouvent des applications dans l’industrie des cosmétiques et des solvants (essence de térébenthine, tall-oil). Autant de pistes de la « bio-raffinerie » qui vont pouvoir être explorées plus avant dans le cadre du Pôle de Compétitivité aquitain de la filière bois Xylofutur dont fait partie Smurfit Kappa.

Une autre source majeure de production énergétique du site de Facture est la chaudière biomasse exploitée par Dalkia depuis 2010. Elle a nécessité un investissement de quelque 140 millions d’euros et constitue à ce jour la plus grosse unité du genre en France. Alimentée annuellement par 500 000 tonnes de déchets verts, auxquels s’ajoutent les déchets bois des déchèteries voisines, elle permet de générer de la vapeur à 520°C et 120 bars pour actionner deux turbines délivrant 400 000 MW/an, soit l’électricité nécessaire à une ville de 15 000 habitants.

PCR : (presque) rien ne se perd, (presque) tout se transforme !

En parallèle de la filière « fibres vierges », et dans une moindre mesure, l’usine de Facture intègre dans ses papiers des fibres recyclées : les papiers et cartons recyclables (PCR) sont triturés dans un « pulpeur ». Après épuration, les fibres courtes et les fibres longues sont ensuite séparées pour suivre deux traitements distincts qui les conduiront finalement au stock de pâte, très propre, de « fibres recyclées ». Ce sont ainsi 112 000 tonnes de papiers et cartons recyclables qui sont valorisées par l’usine de Facture. Il faut cependant en extraire 6 à 10% de plastiques et de polystyrènes lors de l’étape d’épuration, lesquels doivent ensuite être stockés dans un Centre d’Enfouissement Technique bénéficiant des dernières normes de protection de l’environnement.

Rapidité, qualité, fiabilité

Trois types de pâtes à papier sont finalement utilisés par la papèterie de Facture : la pâte écrue de fibres vierges (1 200 tonnes par jour), la pâte de fibres recyclées (380 tonnes par jour) et de la pâte blanchie (200 tonnes par jour) achetée sur le marché libre. Pour assurer une formation homogène de la feuille de papier, la pâte est diluée, égouttée sur une toile poreuse synthétique afin d’éliminer une partie de l’eau, la feuille est ensuite pressée puis séchée à l’aide de cylindres alimentés par de la vapeur .

Le dispositif de séchage de la pâte à papier est également impressionnant : pas moins de 54 cylindres sécheurs pesant chacun 20 tonnes.

La quantité de papier produite chaque jour est colossale : 1 400 tonnes. Elle est réalisée par deux machines (chaque machine occupe plusieurs dizaines de m2 et est abrité dans un gigantesque hall à sa mesure). La plus grosse des deux machines, dite « Machine 6 » produit à elle seule 900 tonnes de papier par jour en moyenne, et la deuxième, « Machine 5 », de l’ordre de 500 tonnes quotidiennes. Chaque machine fonctionne sous le regard vigilant et permanent d’une demi-douzaine de techniciens. Il faut 45 mn à peine pour produire une « bobine mère » de 50 km de papier, pour un diamètre de 6,90 mètres et un poids de 40 tonnes ! Celle-ci est ensuite subdivisée en « bobines filles » pour lesquelles le papier est enroulé à la vitesse de 120 km/h, soit 2 400 mètres par minute ! Le diamètre de ces « bobines clients » varie entre 1,20 m et 1,40 m. Une cellule planning programme les fabrications et un logiciel d’optimisation amalgame les commandes de telle sorte que la répartition en bobines clients soit optimale et qu’il n’y ait pas de chutes.

La qualité de chaque bobine fabriquée par les machines 5 et 6 est contrôlée par un système de mesures informatisé, lui-même relié à une gestion de production assistée par ordinateur. De plus, dans le cadre de la norme ISO 9001, des contrôles sont réalisés en laboratoire tous les 50 kilomètres de papier produit. Si pour des raisons de qualité insuffisante, le laboratoire ne donne pas son feu vert, le papier peut encore être vendu pour des applications tolérant cette insuffisance. Dans le pire des cas, le papier peut retourner au broyeur…
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Au regard de la cadence de fonctionnement des machines, on comprend tout l’enjeu que revêt la maintenance. Celle-ci est organisée sur la base d’un arrêt mensuel de 8 à 10 heures. Un arrêt complet a lieu tous les ans qui permet la maintenance de la chaudière et les inspections nécessaires au maintien des habilitations. Tous les trois ans a lieu une grosse opération de maintenance qui voit l’arrêt complet de l’usine pour une durée de quinze jours. A ces occasions de nouveaux moyens sont mis en place et des formations internes et externes sont organisées pour le personnel.

Considérations environnementales

De part la nature des ses activités, le site Smurfit Kappa Cellulose du Pin est une Installation Classée pour l’Environnement (ICPE). Ses activités sont contrôlées par l’autorité publique et l’entreprise respecte plusieurs normes et réglementations. Son responsable Qualité Sécurité Environnement, Dominique Besson, nous en dresse la liste. Celle-ci comprend notamment la norme environnementale ISO 14001, la norme Qualité ISO 9001, le référentiel OHSAS 18001, un agrément de la DREAL pour le suivi des équipements sous pression, des certifications pour l’approvisionnement en bois : PEFC (Programme for Endorsement of Forest Certification) et FSC (Forest Stewardship Council). La pâte blanchie achetée est certifiée ECF (Environmentally Chlore Free).

Le laboratoire d’analyse interne contrôle non seulement la qualité des matières premières et les produits intermédiaires dont la qualité est critique pour la production, mais aussi les rejets liquides du site.

La consommation et le traitement de l’eau : Avec 23 000 m3 d’eau prélevés quotidiennement dans un affluent de la Leyre, le site de Facture est un important consommateur d’eau (prélèvement limité à 30 000 m3 par arrêté préfectoral). Il en rejette également une quantité équivalente et dispose de sa propre station d’épuration pour ses effluents depuis 1996. En 2005, une unité de traitement par méthanisation a été ajoutée et le méthane ainsi récupéré est utilisé comme combustible pour le four à chaux. Les eaux traitées sont soit réutilisées pour les besoins de l’usine, soit évacuées vers le wharf de la Salie que gère le syndicat intercommunal du Bassin d’Arcachon.

Les rejets atmosphériques : Ils sont mesurés par des laboratoires extérieurs. Des progrès importants ont été enregistrés dans ce domaine grâce à des investissements conséquents en 1998 et 2006 destinés au traitement des fumées et à la filtration des poussières par électrofiltres. Une meilleure connaissance de la chimie du soufre a permis une optimisation de la combustion (une meilleure réduction, au sens chimique du terme). Tout cela a conduit à une réduction des nuisances olfactives à hauteur de 65 %.

L’utilisation d’énergies non renouvelables : une voie d’amélioration consiste à diminuer la part du gaz naturel alimentant le four à chaux qui sert à fabriquer la liqueur blanche. En plus du méthane récupéré par la méthanisation, la sciure de bois représente une alternative intéressante. Une autre adaptation envisagée pour les véhicules circulant dans l’usine est le recours à des chariots électriques plutôt qu’á gaz. Grâce à la chaudière Biomasse implantée sur le site de Facture en 2010, l’usine Smurfit Kappa Cellulose du Pin est autonome à 90 % pour son approvisionnement en électricité (55 MW/h) et à 95 % pour son approvisionnement en énergie thermique (cuisson du bois, séchage du papier). Le combustible est fourni par les écorces et les fines de bois (sciures, nœuds).

Dominique Besson explique que la part « Environnement » dans sa fonction de responsable QSE a beaucoup augmenté ces dernières années. Il consacre aujourd’hui 2/3 de son temps aux questions environnementales et 1/3 à la qualité.

« La démarche environnementale est portée par toute l’entreprise qui a mis en place des indicateurs spécifiques et une communication adaptée pour que chaque opérateur ait conscience de l’impact de son propre poste sur l’environnement ». Tous les deux mois, la lettre « Info Environnement » est diffusée à l’ensemble des salariés du site, qu’elle renseigne notamment sur l’évolution de ces indicateurs.

En savoir plus : www.smurfitkappa-cellulosedupin.com